Mars dans une boite – MARSBOx





De la microbiologie pour ceux qui ont les crocs


Mars dans une boite – MARSBOx

Le premier succès d’une mission sur Mars remonte en 1964 par Mariner IV, qui prend la première image détaillée de la surface martienne. Durant les cinquante années suivantes, nous avons continué à explorer notre voisine et nous avons fait atterrir plusieurs Mars rovers pour l’explorer en détail. Curiosity et Opportunity, ce dernier n’étant plus opérationnel, ont cherché à mettre en évidence de la vie ancienne (assemblage chimique, biosignature)  et de l’eau. (Plus d’infos sur les missions en cours sur Mars à la fin de l’article)

Récemment, le 18 février 2021, un nouveau Mars rover appelé Perseverance a atterrit sur la planète rouge. L’un des principaux objectifs du rover est d’identifier la présence d’environnements qui permettraient la vie et de chercher la preuve d’anciens microbes existants dans ces environnements.

Perseverance. Crédit: NASA / JPL-Caltech

Jusqu’à présent les chercheurs ont découvert que l’environnement martien est très sec et à une température et une pression atmosphérique basse. De plus, dû au manque d’une atmosphère substantielle, différentes radiations comme les U.V, rayons X, rayons Gamma bombardent la surface de la planète. D’un point de vue terrestre, la surface martienne est très hostile.

Quel intérêt de savoir si nos microbes terrestres peuvent survivre à un voyage spatial et en plus, s’ils peuvent grandir sur Mars? Avec des équipes pour des missions de longue durée prévues dans le futur, les microbes pourraient être une assistance pour notre survie car ils pourraient nous aider à produire de la nourriture et nous fournir du matériel indépendamment de la Terre. Un exemple serait d’utiliser le mycélium de champignons pour aider à remplacer la mousse, poutre, plancher et du mobilier comme mentionné dans cet article. Plus important, nous avons besoin de savoir si les microbes associés à l’être humain peuvent survivre sur la planète puisque certains portent un risque pour la santé des spationautes.

Dans une récente étude menée par Marta Cortesão et collègues, quatre microbes ont été testés sur leur potentiel à survivre dans les conditions martiennes. Typiquement, ces études sont faites sur Terre oú l’aridité et les températures extrêmes dominent. Cette étude quand a elle a été faite dans la stratosphère (15-20 km au-dessus de la surface) oú en plus des conditions extrêmes, il y a un grand spectre de radiation passant par les U.V, rayonnement ionisant à haute énergie, mais aussi déshydratation, hypoxie et une très faible température et pression. 

En utilisant un ballon scientifique à haute altitude, les auteurs ont envoyé MARSBOx (Microbes in Atmosphere for Radiation, Survival, and Biological Outcomes Experiment) à ~38 km d’altitude pendant 7 heures. Ils ont vérifié la survie et la réponse métabolique de quatre microorganismes pertinents en astrobiologie tout cela en contrôlant les radiations et autres  facteurs environnementaux.

MARSBOx (Microbes in Atmosphere for Radiation, Survival, and Biological Outcomes Experiment) (figure de l’article original)

Deux bactéries extrêmophiles (Salinisphaera shabanensis et Buttiauxella sp.) étaient inclues pour tester l’hypothèse que des souches isolées pouvaient survivre dans l’environnement-type martien de la stratosphère. S. shabanensis peut être trouvée à 1.3 km sous le niveau de la mer dans un environnement extrêmement salé. Buttiauxella est trouvée dans des sources chaudes déficientes en oxygène et limitées en nutriment.  

Le champignon Aspergillus niger et la bactérie Staphylococcus capitis étaient aussi inclus parce qu’ils sont des pathogènes opportunistes. De plus, ces deux microorganismes ont déjà été détectés à l’intérieur de la station spatiale internationale et sont à même de voyager vers Mars avec les équipes pour les missions spatiales.  

Préparation des échantillons (figure adaptée de l’article original).

Fraction de survie

Une des quatre espèces Buttiauxella, n’a survécu ni dans les contrôles de laboratoire ni dans les échantillons du vol de la MARSBOX. Les trois autres espèces ont survécu à différent niveau et ont été testées dans plusieurs conditions: 

  1. Conditions de laboratoire sur Terre (contrôle de laboratoire, ce qui veut dire 5 mois de déshydratation)
  2. Au fond de la MARSBOX oú ils étaient protégés des radiations
  3. Sur la surface oú ils recevaient des radiations comme sur Mars

Pour les champignons A. niger, deux couches de spores ont été testées, une épaisse et une fine.

Déplacez le curseur pour passer de la version originale à la version adaptée (figure de l’article original).

Dans la figure ci-dessus, vous pouvez voir combien de bactéries ou de spores ont survécu aux conditions hostiles (survival fraction) : Inoculum = ce qui a été mis en culture, Lab control = contrôle de laboratoire, Bottom layer = le fond de la MARSBOX, Top layer = le dessus de la MARSBOX.

Les deux bactéries ont été sensibles à la radiation car seule une cellule par million a été capable de grandir pour S. shabanensis, et aucune pour S. capitis. Les spores de A. niger ont été plutôt résistantes à toutes les conditions car au moins un pour cent des spores a survécu!

Stress de la paroi cellulaire

Les auteurs ont aussi regardé la résistance au stress de la paroi cellulaire de A. niger. Ils ont fait grandir un certain nombre de spores et ont observé comment grandissaient le champignon dans des conditions de stress causées par l’anti-fongique Caspofungin et par un stresseur de la paroi cellulaire appelé Calcofluor White. Comme le montre la photo ci-dessous, les spores protégées des U.V montrent une baisse de leur habilité à résister au stress alors que les bactéries exposées aux U.V. sont sensibles et ne peuvent grandir qu’ en présence d’un grand nombre de spores. 

Différentes réactions sur le stress de la paroi cellulaire d’ A. niger (figure de l’article original).

En conclusion, trois des quatre espèces ont survécu ! Elles pouvaient (temporairement) résister aux conditions hostiles de la stratosphère et pourraient aussi potentiellement survivre sur la surface martienne. Cette étude nous donne une meilleure compréhension de quel type de micro-organismes pourraient survivre dans des environnements qui sont normalement perçus comme mortels.

Mais cette expérience n’est que le début, ce que l’on ne sait pas encore ce sont les mécanismes que ces bactéries utilisent pour survivre. Une des hypothèses pour la survie de A. niger est qu’il pourrait posséder des pigments de “protection solaire” ou une structure cellulaire qui le protégerait des radiations. De futures recherches pourraient aider les scientifiques à déterminer POURQUOI ces micro-organismes survivent et QUELS mécanismes sont utilisés. 

Une prochaine mission pour MARSBOx est déjà planifiée : la boite va s’envoler pour la stratosphère à partir de l’antarctique, où les conditions (radiations du soleil et des rayons cosmiques) sont encore plus similaires à celles sur Mars. Et avec un nouvel entrain pour les explorations sur la planète rouge, le besoin des études comme celle-ci va seulement s’intensifier dans les prochaines années.

Ecoutez en plus sur les prochaines missions sur Mars avec La Méthode Scientifique:


Article : Cortesão Marta, Siems Katharina, Koch Stella, Beblo-Vranesevic Kristina, Rabbow Elke, Berger Thomas, Lane Michael, James Leandro, Johnson Prital, Waters Samantha M., Verma Sonali D., Smith David J., Moeller Ralf, MARSBOx: Fungal and Bacterial Endurance From a Balloon-Flown Analog Mission in the Stratosphere, Frontiers in Microbiology (Feb 2021)

Featured image: Image from atop the MARSBOx payload and Trex-Box in the stratosphere during the flight. Figure adapted from original article.


Traduit par: Yohann Geraldes