
De la microbiologie pour ceux qui ont les crocs
Les limites de la vie microbienne.
La vie microbienne s’est adaptée à tous les écosystèmes et peut même être trouvée dans des conditions que nous considérons comme extrêmes. On trouve des microorganismes dans des lacs acides, des sources chaudes, sous les glaciers mais aussi 10km sous la surface des océans. On appelle ces microorganismes extrêmophiles ou polyextrêmophiles quand ils peuvent survivre une ou plusieurs conditions ‘extrêmes’. Mais les microbes peuvent-ils s’adapter simultanément à un pH très acide, une grande salinité et des températures chaudes ?
Dans cette étude, Jodie Belilla et ses collègues sont allés dans la zone géothermique de Dallol en Ethiopie. Localisé au milieu d’une zone volcanique, on y trouve des gradients polyextrêmes comme un pH très bas (pH = 0), une haute salinité (au minimum 30 %) et de hautes températures (jusqu’à 110 °C). C’est donc un lieu idéal pour rechercher des microbes polyextrêmophiles adaptés à ces conditions. Comparé à l’eau de la surface de l’océan qui a une température moyenne de 17 °C, une salinité entre 3 et 5 % et un pH autour de 8, Dallol est vraiment une zone extrême.
L’équipe de recherche a collecté des échantillons à différents endroits de Dallol, a extrait et séquencé l’ADN pour essayer d’identifier des microorganismes des trois domaines de la vie (bactéries, archées, eucaryotes). Ils ont trouvé des organismes polyextrêmophiles, surtout des archées, dans des zones hypersalines (> 30%) mais au pH neutre (pH = 6) et a températures moyenne (20-30 °C). Même si les archées peuvent être trouvées dans la plupart des écosystèmes (tout comme les bactéries et les eucaryotes), elles sont souvent considérées comme des extrêmophiles et leur abondance à Dallol renforce cette vision.

Cependant, les auteurs ont été surpris de ne pas trouver de vie microbienne dans les zones les plus extrêmes de Dallol (avec un pH <3, des températures > 35 °C et une salinité > 30%). Ils ont vérifié en utilisant d’autres méthodes comme la culture et la microscopie et sont arrivés à la même conclusion : Ils ont trouvé les limites de la vie à Dallol.
Il semble que la combinaison d’hyperacidité-hypersalinité soit un facteur déterminant limitant la vie microbienne. Les auteurs suggèrent que les adaptations nécessaires pour survivre simultanément à une forte acidité et une haute salinité soient incompatibles, peut-importe la température.
Article original: Belilla, J., Moreira, D., Jardillier, L. et al. Hyperdiverse archaea near life limits at the polyextreme geothermal Dallol area. Nat Ecol Evol 3, 1552–1561 (2019)
Image: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_hydrothermal_system_of_Dallol.png
Traduit par: Lucie Malard