Le don de la vie d’un microbe

                              

De la microbiologie pour ceux qui ont les crocs


Le don de la vie d’un microbe

C’était la nuit après Noël, il y a trois milliards d’années… Les premiers organismes digèrent encore leur dîner de fête. Dans les restes d’une savoureuse soupe primordiale, les premiers organismes jouent avec les enzymes et découvrent ce que signifie être vivant. C’est un chaos de molécules, et personne ne sait quel organisme fait quoi exactement. Les organismes eux-mêmes n’en ont peut-être pas la moindre idée.

La soupe primitive est servie ! (Source: GoChile)

Laissez-moi vous raconter cette histoire ancienne. Les organismes ont faim d’azote pour pouvoir fabriquer des protéines et de l’ADN. La façon la plus savoureuse de manger de l’azote (ammoniac) n’est servie que par des éclairs, et les éclairs ne viennent pas aussi souvent que leurs désirs. Dans une horrible tournure d’événements, les organismes se mangent eux-mêmes pour satisfaire leurs besoins. Puis, une forme de vie héroïque développe accidentellement une enzyme pour manger de l’azote gazeux (qui est super-abondant, donc de la nourriture pour tout le monde !) Les microbes sont capables de se transmettre ce gène, comme on se transmet un cadeau, dans un processus connu sous le nom de transfert horizontal de gènes. Le cadeau de l’inventeur, l’empreinte génétique de l’enzyme, a profité non seulement à leur communauté, mais aussi au monde entier pour les siècles à venir. Les scènes macabres de famine ont considérablement diminué. La disponibilité de l’azote a ouvert la voie aux formes de vie multicellulaires, eucaryotes et humaines.

Avance rapide jusqu’en 1880 de notre ère, où un chimiste allemand, Hermann Hellriegel, réalise l’importance de la fixation de l’azote pour toute forme de vie. Dans le sillage de sa découverte, les scientifiques découvrent l’enzyme qui catalyse la réduction de l’azote gazeux en ammoniac et la nomment nitrogénase. Grâce au don des nitrogénases dans le sol, les humains sont en mesure de cultiver les aliments de manière beaucoup plus efficace. C’est ce qui fait la différence entre les restes d’une soupe primordiale et le délicieux repas de Noël que nous chérissons !

Hermann Hellriegel, 1831-1895, chimiste allemand.

En faisant un saut dans le temps jusqu’à aujourd’hui, nous avons découvert quelque chose de curieux à propos de ces nitrogénases. Oehlmann et Rebelein, de Marburg, en Allemagne, ont examiné des rapports scientifiques du passé et ont montré que l’enzyme ne se résume pas au seul don “nitrogénase”. En dehors de la réduction de l’azote, l’enzyme catalyse tellement de réactions chimiques différentes que les auteurs ont fait un tableau séparé pour énumérer les réactions que cette enzyme peut effectuer – et leur liste est loin d’être complète.

Oehlmann se penche sur la chimie de ces enzymes et décrit comment la magie de ces machines se cache dans une tige de fer-soufre en rotation. Toute molécule ayant la bonne disposition peut faire un tour, comme un manège, et en sortir transformée.

La nitrogénase catalyse de nombreux substrats en encore plus de produits grâce à un axe rotatif. créée avec BioRender.

La réaction la plus intéressante réalisée par cette machine vieille d’un milliard d’années est la réduction du CO2. Cette réaction produit par exemple du méthane, de l’éthane, du propane – des mots que vous reconnaissez peut-être comme des carburants. En nettoyant le CO2, un gaz à effet de serre, et en produisant un carburant renouvelable en une seule étape, la nitrogénase est une fois de plus un cadeau !


Article original : Oehlmann, N.N. and Rebelein, J.G. (2021), The Conversion of Carbon Monoxide and Carbon Dioxide by Nitrogenases. ChemBioChem. https://doi.org/10.1002/cbic.202100453

Featured image: created with Biorender.com


Traduit par Anaïs Biclot