
De la microbiologie pour ceux qui ont les crocs
Stimulateurs de croissance secrets
Les champignons… Nous avons une relation étroite avec eux car nous aimons en mettre sur nos pâtes ou notre pizza… ou trouver un morceau de nourriture moisi de temps en temps. Mais nous ne sommes pas les seuls à entretenir des liens étroits avec eux. Les champignons entretiennent des relations symbiotiques avec plus de la moitié des arbres de la planète ! Ils créent de vastes réseaux avec les racines des arbres et sont donc appelés champignons ectomycorhiziens (hors de la cellule racinaire), CEM en abrégé. Les champignons ectomycorhiziens fournissent aux arbres de délicieux nutriments, souvent inaccessibles, comme l’azote, et protègent également les jeunes plants des agents pathogènes. Et, en retour, les arbres fournissent de savoureux hydrates de carbone.

Il est déjà connu que les facteurs environnementaux tels que la pluie, la température et la disponibilité de l’azote, influencent la croissance des arbres. Mais jusqu’à présent, l’influence des communautés CEM sur les arbres était très difficile à mesurer, faute de données suffisantes… Jusqu’à présent !
L’équipe de Mark Anthony et ses collègues ont étudié plus de 13 000 arbres sur 137 sites. Dans leur étude approfondie, ils ont examiné à la fois les facteurs environnementaux et la composition des communautés CEM. Et il s’avère que certaines communautés spécifiques étaient corrélées à une multiplication par trois de la croissance des arbres !

Afin de déterminer quelles caractéristiques des communautés fongiques étaient liées à l’augmentation de la croissance, les chercheurs ont examiné les gènes liés à l’acquisition de l’azote, à la décomposition de la matière organique du sol et à la croissance fongique. Ils ont constaté que les communautés capables de décomposer les composés azotés inorganiques, tels que le nitrate et l’ammonium, étaient souvent attachées aux racines des arbres à croissance rapide. Il est intéressant de noter que ces composés azotés inorganiques sont également utilisés dans les engrais artificiels !
Les arbres dotés d’une communauté microbienne spécialisée dans la décomposition de l’azote organique, que l’on trouve généralement dans la biomasse en décomposition du sol forestier, avaient généralement une croissance plus lente. La transformation de l’azote organique nécessite un ensemble d’enzymes spéciales. La production de ces enzymes, puis la décomposition des composés organiques, nécessitent davantage d’énergie de la part des CEM. Cela signifierait que les CEM drainent plus d’énergie de leurs symbiotes arboricoles, laissant les arbres avec moins d’énergie à consacrer à leur propre croissance.

Les chercheurs ont également observé que les CEM plus “exploratoires” étaient souvent corrélés à une croissance plus lente des arbres. Ils ont constaté que les CEM présentant un réseau d’hyphes plus long ou plus étendu étaient associés négativement à la croissance des arbres. À l’inverse, les CEM qui sont en contact direct avec les racines et produisent des hyphes moins étendus étaient associés positivement à la croissance des arbres. Là encore, la cause pourrait être que les CEM aventureux ont besoin de plus d’énergie de la part de l’arbre pour faire pousser leurs hyphes. (Si vous vous intéressez à la croissance des champignons, apprenez-en plus sur l’exploration des hyphes ici, ou cliquez ici pour découvrir comment les hyphes évitent les obstacles géométriques).
Quel est l’impact de cette recherche sur l’avenir ? Les forêts sont les plus grands puits de carbone sur terre. Donc, si nous pouvons réguler leur croissance en introduisant des communautés fongiques spécifiques, nous pourrons gérer les forêts de manière à favoriser le stockage du carbone dans un climat changeant.
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