Les microbes du désert peuvent aider à lutter contre le changement climatique

                              

De la microbiologie pour ceux qui ont les crocs


Les microbes du désert peuvent aider à lutter contre le changement climatique

À l’aube du nouveau millénaire, des organisations mondiales comme la NASA et les Nations unies ont commencé à exprimer leurs inquiétudes quant au changement climatique et à la façon dont il peut affecter la population de la Terre sur le long terme. La mise en œuvre de pratiques durables dans tous les domaines de la vie devient cruciale pour passer à un mode de vie plus respectueux de l’environnement et assurer ainsi l’avenir de cette planète. Avec la croissance de la population sur Terre, les méthodes d’agriculture durable peuvent non seulement fournir les réserves alimentaires nécessaires, mais aussi éliminer ou minimiser l’empreinte nuisible à l’environnement. Afin de développer de nouvelles pratiques de culture, de nombreux groupes de recherche se sont concentrés sur l’étude des plantes du désert. Cela semble presque contre-intuitif, car les plantes du désert ne sont pas connues pour produire des cultures et des fruits pouvant être consommés. Pourtant, les déserts couvrent 33 % de la superficie totale de la Terre et ce qui distingue ces plantes des autres, c’est leur capacité d’adaptation unique à un habitat caractérisé par des fluctuations extrêmes de température, un rayonnement solaire élevé et une pénurie d’eau. Si les scientifiques parviennent à comprendre comment ces plantes parviennent à survivre, ils pourraient peut-être trouver une nouvelle méthode agricole qui permettrait aux agriculteurs d’explorer de nouvelles zones et de nouveaux territoires.

Un simple coup d’œil et vous remarquerez à quel point les plantes désertiques sont inhabituelles (voir les images ci-dessous). Les conditions sèches et chaudes ont contribué à leur aspect très spécifique. Les feuilles de ces plantes sont très étroites pour minimiser l’exposition aux radiations. Une épaisse couche de cire, qui donne presque un aspect brillant aux plantes, empêche l’évaporation de l’eau. Sous le sable et les couches de terre se cache un vaste système de racines qui permet aux plantes d’accéder à l’eau. Ce qui est également intéressant à propos du système racinaire, c’est que son fonctionnement dépend étroitement des micro-organismes (lisez l’article “Une connexion profondément enracinée” pour en savoir plus). Oui, le sol du désert est plein de vie microbienne !

Les plantes du désert et leurs adaptations morphologiques qui leur permettent de survivre dans les conditions difficiles du désert. Image créée via BioRender.com
En poussant dans des conditions de faible disponibilité en eau, les plantes du désert ont développé un système racinaire étendu. Source: https://i.imgur.com/v9pvr3n.jpg

Les bactéries favorisant la croissance des plantes (PGPB pour Plant Growth Promoting Bacteria en anglais) sont des bactéries qui stimulent la croissance des plantes et les protègent même contre les agents pathogènes. Ces bactéries jouent un rôle tellement vital dans le cycle de vie d’une plante que leur présence est essentielle à sa survie. Il n’est pas surprenant que les plantes du désert en possèdent également. Les PGPB des plantes désertiques se trouvent généralement dans les rhizosphères (rhizosheaths) – des particules de sol qui adhèrent physiquement au système racinaire. Les deux phyla les plus dominants sont représentés par les Proteobacteria et les Actinobacteria. Les protéobactéries ont le pouvoir de fixer l’azote, qui est un élément essentiel pour chaque plante. Les actinobactéries sont connues pour se développer dans des conditions extrêmes et variées, comme des environnements au pH élevé ou faible, des températures extrêmes, ou des niveaux anormaux de radiation et de pression.

Pour améliorer la croissance des plantes sans utiliser d’engrais ou d’autres composés susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’environnement, certaines études suggèrent une méthode consistant à isoler les particules de sol riches en bactéries favorisant la croissance et à les transférer à une nouvelle plante. Une étude menée en 2008 par Aseri et al. a démontré que le PGPB peut être utilisé comme biofertilisant dans des régions arides comme le désert de Thar (Inde). Dans l’expérience de terrain qui a duré 5 ans, les chercheurs ont continuellement supplémenté un grenadier avec une bactérie fixatrice d’azote, Azotobacter chroococcum.  Cette plante a été choisie initialement parce que les grenadiers sont généralement cultivés dans des régions du monde aux sols arides et au climat chaud, comme le sous-continent indien ou les pays méditerranéens. Les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que ce micro-organisme serait capable d’améliorer la croissance d’une plante en fournissant aux grenadiers des composés azotés essentiels.  Les résultats ont montré une augmentation de la hauteur des plantes et du rendement des fruits, une teneur en chlorophylle plus élevée et une meilleure absorption des nutriments. Les chercheurs ont démontré que cette technique était efficace et pouvait être utilisée pour améliorer les pratiques agricoles dans les pays au climat défavorable.

Au fil des ans, de nombreuses autres études et projets ont été lancés pour découvrir la possibilité d’utiliser les microbes du désert. L’un des projets les plus connus s’appelle DARWIN21 et se concentre principalement sur l’étude de la vie microbienne dans les déserts de la péninsule arabique. Il a été lancé dans l’idée d’explorer de nouvelles possibilités pour augmenter les taux de production alimentaire dans les pays au climat chaud et sec. Ces régions dépendent fortement des importations et de l’aide étrangère, en raison d’un environnement défavorable à l’agriculture. Afin de résoudre ce problème, les chercheurs se sont concentrés sur l’étude des plantes du désert et de leurs mécanismes d’adaptation. Cela a conduit à la création du premier centre de stockage du patrimoine mondial pour les microbes du désert. Aujourd’hui, les scientifiques étudient les microbes des rhizosphères (rhizosheaths) et la manière dont ils peuvent accroître la tolérance des plantes aux conditions de stress, comme la sécheresse ou le manque d’eau. Il ne fait aucun doute que des projets comme celui-ci contribueront à la mise en œuvre de méthodes agricoles durables. Qui sait, peut-être que dans quelques années, les agriculteurs pourront faire pousser des fruits et des légumes dans le désert du Sahara ?

Agricultural system in a desert. Source: https://www.darwin21.org

Article original: lsharif Wiam, Saad Maged M., Hirt Heribert, Desert Microbes for Boosting Sustainable Agriculture in Extreme Environments, Frontiers in Microbiolog, 2020

Featured image:  https://www.darwin21.org


Traduit par Anaïs Biclot