
De la microbiologie pour ceux qui ont les crocs
Les sols : Sources ou puits de méthane ?
Notre planète se réchauffe rapidement car les gaz à effet de serre libérés dans l’atmosphère emprisonnent la chaleur. Le gaz à effet de serre le plus connu est le dioxyde de carbone (CO2), mais il en existe d’autres, notamment le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O).
Dans l’atmosphère, le méthane est le deuxième gaz à effet de serre le plus abondant (après le dioxyde de carbone), mais il est 28 fois plus puissant que le dioxyde de carbone ! C’est pourquoi les émissions de méthane sont particulièrement surveillées, notamment dans le milieu agricole. Par exemple, chaque année, une seule vache peut produire près de 100 kg de méthane en faisant fermenter des aliments dans le rumen… Cela fait beaucoup de méthane émis par le bétail chaque année !
Mais les vaches ne sont pas les seules à émettre du méthane dans l’atmosphère. Les sols produisent également du méthane naturellement, ou plutôt, les micro-organismes qui vivent dans les sols produisent du méthane (méthanogènes), mais certains d’entre eux peuvent également oxyder (dégrader) ce méthane (méthanotrophes). Cet équilibre subtil entre l’abondance de ces deux types de microbes, méthanogènes et méthanotrophes, détermine si les sols peuvent agir comme des sources (émissions) ou des puits (absorption) de méthane. Comprendre si un écosystème émet ou absorbe du méthane peut aider à modéliser les émissions de méthane et les émissions globales de gaz à effet de serre, mais cela représente un défi…
Si les scientifiques peuvent facilement identifier les méthanogènes et les méthanotrophes à l’aide de méthodes omiques basées sur l’ADN, lier la diversité et l’abondance de ces micro-organismes aux flux réels (émissions) de méthane est un véritable problème. Pour résoudre ce problème, la métatranscriptomique, une méthode omique basée sur l’ARN, a été utilisée. Elle permet d’identifier les taxons actifs (ARNr) et de quantifier les gènes actifs (en utilisant l’ARNm). Cela peut donc être lié aux flux mesurés (émissions) de gaz à effet de serre.
Dans cette étude, Täumer et al. (2022) ont utilisé la métatranscriptomique pour relier les gènes du cycle du méthane aux flux de méthane et surveiller les changements saisonniers de ces flux. Ils ont échantillonné des sols de prairies en Allemagne pendant les saisons d’automne, d’hiver, de printemps et d’été, et ont extrait l’ARN total pour le séquençage. Ils ont également mesuré les émissions de méthane et de dioxyde de carbone sur chaque site d’échantillonnage à l’aide de chambres à gaz placées dans le sol.
Ils ont constaté que les flux de gaz changeaient selon les saisons et que le méthane et le dioxyde de carbone présentaient des tendances étonnamment opposées. En automne et en hiver, les sols émettent du méthane et les émissions de dioxyde de carbone sont faibles. En revanche, au printemps et en été, ces sols sont devenus des puits de méthane mais des sources de dioxyde de carbone. Ces flux de gaz saisonniers dynamiques reflètent des changements non seulement dans la teneur en eau et la température du sol, mais aussi dans la composition de la communauté microbienne du sol !
L’équipe a découvert une corrélation positive entre l’abondance des transcriptions de l’ARNm de la méthanogénèse et les flux de méthane mesurés sur le terrain. En d’autres termes, plus de transcriptions d’ARNm de la méthanogénèse signifie une augmentation des émissions de méthane.

En soi, ces résultats constituent une étape importante car ils relient les méthodes omiques aux observations sur le terrain. Cependant, l’équipe a voulu aller plus loin en identifiant des marqueurs de méthanogènes et de méthanotrophes pour déterminer s’ils pouvaient dériver les flux de méthane à l’aide de la métatranscriptomique. Ils ont montré que le rapport méthanogène/méthanotrophe (taxonomie utilisant l’ARNr) ne pouvait pas être utilisé pour dériver les flux de méthane. Cependant, le rapport des transcriptions de gènes fonctionnels (transcriptions de l’ARNr méthanogène/méthanotrophe) reflète les flux de méthane. Cela permet de déterminer si les sols sont des sources ou des puits de méthane.
Étant donné que les sols constituent les principaux puits biologiques du méthane atmosphérique (dégradé par les méthanotrophes), il est essentiel de surveiller l’évolution des flux de méthane, d’autant plus que les émissions de gaz à effet de serre augmentent considérablement à l’échelle mondiale. Bien qu’il soit encore difficile de relier des communautés biologiques spécifiques aux flux de gaz, cette étude nous rapproche un peu plus de la compréhension des flux de méthane.
Additional sources: Soils as sources and sinks for atmospheric methane
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Traduit par Lucie Malard